Les collections croisière, c’est quoi au juste ?

Au départ, les collections croisière étaient exactement ce que leur nom laisse deviner : des collections d’entre deux saisons, destinées à une clientèle fortunée, qui fuyait le froid de l’automne et de l’hiver et embarquait pour de longues croisières au soleil. Cette pratique —apparue dans les années 20— était au départ principalement populaire aux États-Unis. Pour les membres de la jet-set américaine et autres personnalités publiques, trouver en boutique des vêtements adaptés au climat de leur destination posait un véritable problème.

Si les femmes de la haute société européenne n’imaginaient pas voyager sans leurs tailleurs et autres robes de cocktail, les américaines, elles, rêvaient de matières légères et de coupes fluides. Parmi les premiers couturiers à répondre à leurs attentes, on peut citer Coco Chanel, mais surtout Jean Patou. Le créateur fétiche des années 20, au retour d’essayages à New York, décide de créer un nouveau style : le sportswear de luxe. Un véritable succès, qui finit même par séduire les mondaines parisiennes, en villégiature à Nice ou Biarritz.

Peu à peu, la tradition des collections et défilés croisière tombe en désuétude. Partir en vacances n’est plus seulement réservé à une élite, et les voyages se font à tout moment de l’année, une garde-robe spécifique n’est par conséquent plus nécessaire. De plus, s’habiller de manière décontractée devient une habitude du quotidien. Ce n’est qu’au début des années 2000 que les grandes maisons de luxe les remettent au goût du jour, bientôt suivies par de nombreuses marques.

Alors que ces collections s’adressaient auparavant à une clientèle très restreinte, elles sont aujourd’hui attendues par l’ensemble de la presse de mode, des acheteurs et autres professionnels de l’industrie, mais surtout des clientes. Finies les présentations en petit comité dans les salons d’une boutique, les défilés croisières sont aujourd’hui des superproductions.

En effet, si beaucoup de marques choisissent de présenter leurs collections croisières par le biais de lookbooks, les grands du luxe ne lésinent pas sur les moyens. Qu’il s’agisse de Louis Vuitton qui s’installe au Musée d’art contemporain de Niterói, Gucci qui s’offre le Palazzo Pitti ou encore Chanel qui investit le Paseo del Prado à Cuba, le spectacle est de mise et le traditionnel quatuor New York, Londres, Milan, Paris est délaissé pour quelques instants.

Alors que la fast fashion dicte le rythme de la mode et habitue les consommateurs à un renouvellement des collections presque constant, la présentation des collections croisières n’est pas la seule évolution constatée. Les tenues présentées vont du bikini au manteau, en passant par la robe de soirée. L’idée est de proposer une multitude de silhouettes, susceptibles de plaire au plus grand nombre. Cette multiplicité de l’offre fait de ces collections un véritable enjeu économique pour les maisons de luxe.

Aujourd’hui, proposer une collection en boutique pendant six mois n’est plus viable : lassitude des clients, concurrence d’autres marques et enseignes… il faut rester au fait des tendances pour éviter de provoquer l’ennui du consommateur. Le principal atout d’une collection croisière est ainsi d’apporter de la fraîcheur et de la nouveauté, tout en développant l’offre en magasin. Et ça fonctionne ! Selon Patricia Romatet, directrice d’études à l’Institut Français de la Mode, ces parenthèses mode représentent entre 60 et 80% du chiffre d’affaires annuel de certaines maisons de luxe en prêt-à-porter.

Enfin, dans un marché mondialisé, les collections croisières sont l’outil de choix des marques pour courtiser ou renforcer leurs liens avec certains marchés. Organiser un défilé à Séoul, Rio, La Havane, Shanghai ou encore Los Angeles permet ainsi à une marque de renforcer son image et son rayonnement international. C’est également l’occasion de convier une clientèle qui n’assistera pas forcément aux défilés du calendrier officiel, une clientèle au cœur du phénomène des collections croisière. L’élitisme associé aux semaines de la mode —qu’elles soient parisiennes, londoniennes ou autres— semble ainsi s’effacer pour un court instant.

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